La Loi WASERMAN en date du 22 mars 2022 vient modifier et compléter la Loi SAPIN de 2016 applicable au lancement d’alerte. Le principal apport de la Loi est d’étendre la définition du lanceur d’alerte, de simplifier les canaux de procédure de signalement, de mieux protéger l’entourage du lanceur d’alerte et de renforcer les mesures de protection.
Qui est le lanceur d’alerte ?
Désormais, le lanceur d’alerte répond à des conditions moins strictes. Exit la notion indispensable de désintéressement et de connaissance personnelle des faits. Désormais, « un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance » (dans la sphère professionnelle, pas d’obligation d’avoir personnellement connaissance des faits) Lors des débats parlementaires, il a été précisé que « le champ des faits pouvant faire l’objet d’un signalement est vaste et ne fait pas l’objet de restrictions matérielles particulières. Ainsi : tous les crimes et délits sont concernés(…) seuls une menace ou un préjudice graves peuvent autoriser une alerte relative à l’intérêt général. »
Qui est protégé par la Loi Sapin?
L’esprit de la Loi est donc très clairement de permettre au plus grand nombre de bénéficier de sa protection en élargissant son champ d’application et cela est vrai, tant pour le lanceur d’alerte lui-même, que pour ses proches : collègue ou proche en lien dans un contexte professionnel avec l’employeur, le client ou le destinataire des services de l’auteur de signalement. La protection s’applique aussi au facilitateur : Personne physique qui aide un auteur de signalement au cours du processus de signalement dans un contexte professionnel et dont l’aide devrait être confidentielle…
Tous sont protégés par la Loi.
Quelles sont les protection prévues par la Loi Sapin?
Aucun d’eux ne peut faire l’objet de menace, représailles ou tentative de :
- Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ;
- Rétrogradation ou refus de promotion ;
- Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail
- Suspension de la formation ;
- Evaluation de performance ou attestation de travail négative ;
- Mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ;
- Coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme
- Discrimination, traitement désavantageux ou injuste ;
- Non-conversion d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ;
- Non-renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat temporaire
- Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur un service de communication au public en ligne, ou pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ;
- Mise sur liste noire à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir dans le secteur ou la branche d’activité
Simplifier la preuve et éviter au lanceur d’alerte de se retrouver en situation économique périlleuse
Ils bénéficient, en cas de contentieux de la possibilité d’obtenir l’abondement par l’employeur, de leur compte personnel jusqu’à son plafond. Une provision pour frais de justice, une provision pour couvrir les subsides, qui peut à tout moment de la procédure se transformer en condamnation et bien entendu la nullité des mesures défavorables et des dommages et intérêts. Ils bénéficient également de l’inversion de la charge de la preuve et d’une irresponsabilité civile et pénale.
Une procédure d’alerte plus ouverte
La procédure d’alerte est elle aussi modifiée et plus ouverte que par le passé, afin de ne pas constituer un frein à la dénonciation.
Désormais, le lanceur d’alerte aura le choix entre le signalement interne et le signalement externe à l’autorité compétente, au Défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen (nous en saurons plus après la parution du décret qui doit intervenir)
La divulgation publique sera également possible dans les cas suivants :
- absence de traitement à la suite d’un signalement externe;
- risque de représailles;
- danger grave et imminent ou danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général
Le défenseur des droits permettra au lanceur d’alerte de savoir s’il peut bénéficier de ce statut.
Cette nouvelle opportunité sera utile non seulement au laceur d’alerte présumé, mais aussi aux personnes chargées de mener une enquête.
Nous pouvons noter également le renforcement des prérogatives du défenseur des droits, notamment pour répondre, sur demande de la personne concernée, à la question de savoir si elle peut bénéficier du statut de lanceur d’alerte. Cela pourra s’avérer très précieux, car dans certains cas, la Loi est assez obscure. Ainsi, lorsqu’il existe un dispositif spécifique de signalement et de protection de l’auteur, la Loi SAPIN n’aura pas à s’appliquer, sauf certaines dispositions spécifiquement prévues (10-1, 12,12-1, 13,13-1 de la Loi WASERMAN). Il n’est donc pas évident que le statut de lanceur d’alerte s’applique au salarié qui pourrait exercer son droit « classique » d’alerte et de retrait. Mais rien n’est moins sur. Cela revêt une incidence capitale sur le traitement de l’enquête interne et notamment de la confidentialité qui n’aura pas à être traitée de la même façon que l’on est ou non lanceur d’alerte. Cela n’aura pas non plus la même incidence au regard du RGPD. Les conséquences financières et pénales peuvent être significatives dans les deux cas. Encore faut-il que le défenseur des droits réponde rapidement à la question qui lui sera posée et ici, la Loi ne donne aucune indication.
Nathalie LEROY avocate en droit du travail, avocate enquêtrice Harcèlement moral et sexuel au Travail, référente harcèlement www.her.eu.com et www.25ruegounod.fr H.E.R mène des enquêtes spécifiques et à 360°sur le harcèlement moral et sexuel au travail grâce à un duo unique alliant la maîtrise et l’expérience du droit du travail, de la psychologie clinique, du comportement non verbal et de l’analyse du comportement criminel. H.E.R mène les investigations sous couvert du secret professionnel et de la déontologie des avocats. H.E.R remet un rapport d’analyse complet et clair, assorti de préconisations.