Le licenciement fondé sur un fait relevant de l’intimité de la vie privée est nul
Dans cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 septembre 2024, un directeur général au statut de cadre dirigeant, envoie depuis sa messagerie professionnelle, à un de ses subordonnés et à deux personnes extérieures à l’entreprise, des courriels contenant des images et des liens à caractère sexuel. Ces messages n’étaient pas clairement identifiés comme privés.
Ces faits fondent, en partie, son licenciement pour faute grave que le salarié conteste.
La Cour d’appel estime que les courriels à caractère sexuel avaient un caractère privé et prononce la nullité du licenciement du fait de la violation de la liberté d’expression du salarié.
La Cour de cassation confirme la nullité du licenciement, mais invoque un autre fondement : celui de la violation du droit au respect de l’intimité de la vie privée.
Dans son raisonnement, la Cour de cassation considère que les correspondances litigieuses avaient un caractère privé. En effet, les messages échangés avec trois personnes au moyen de la messagerie professionnelle installée sur l’ordinateur professionnel du salarié relèvent d’une « conversation privée », dans un « cadre strictement privé » et « sans rapport avec l’activité professionnelle ». Ces messages tirés de la vie personnelle du salarié sont donc couverts par le secret des correspondances qui est, rappelons-le, une liberté fondamentale du salarié. Elle relève également que la conversation de nature privée n’était pas destinée à être rendue publique et ne constituait pas un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail.
Le licenciement fondé sur un fait relevant de la vie personnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse
Dans une seconde affaire, un conducteur de bus stationne son véhicule personnel de manière irrégulière sur la voie publique, à proximité du siège social de son entreprise, à l’issue de sa journée de travail. Lors d’un contrôle d’identité, ce dernier détient des produits stupéfiants qu’il a consommés. Les services de police ont transmis le rapport de son interpellation à son employeur. Le salarié est licencié pour faute grave au motif de la détention et de la consommation de produits stupéfiants, le contrat de travail du salarié interdisant la prise de ces produits illicites avant et pendant le service.
La Cour de cassation considère que le licenciement est abusif mais n’est pas nul. Elle indique que le comportement du salarié tiré de sa vie personnelle ne relève pas nécessairement de sa vie privée. En d’autres termes, un licenciement qui serait motivé par un fait tiré de la vie personnelle n’est pas forcément attentatoire à la vie privée et n’est donc pas toujours susceptible de donner lieu à l’;annulation du licenciement si ce dernier est injustifié.
La Cour précise qu’aucune confusion ne doit être faite entre le concept de vie privée, droit fondamental protégeant « la sphère de chaque existence dans laquelle nul ne peut s’immiscer sans y être convié », et celui de vie personnelle, beaucoup plus large visant tous les comportements du salarié sans rapport avec l’exécution du contrat de travail.
Le licenciement fondé sur un fait se rattachant à l’activité professionnelle repose sur une cause réelle et sérieuse
Les SMS adressés par un salarié depuis son téléphone professionnel, contenant des propos critiques et dénigrants envers la Société, sont présumés professionnels, et ne revêtent pas un caractère privé du fait de leur contenu en rapport avec l’activité professionnelle.
Ces SMS se rattachant à l’activité professionnelle, il restait à définir si le salarié avait abusé de sa liberté d’expression. La Cour de cassation a retenu que les propos injurieux et excessifs tenus par le salarié constituaient un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression, de sorte qu’ils pouvaient être retenus au soutien d’un licenciement pour faute grave.
En résumé
L’indice qui semble être retenu par la Cour de cassation pour savoir si un fait peut se rattacher ou non à la vie personnelle du salarié est de savoir si le fait a un lien avec l’activité professionnelle. Si le fait ne peut être rattaché à l’activité professionnelle, il relève de la vie personnelle mais encore faut-il savoir si ce fait se rattache uniquement à la vie personnelle du salarié ou à l’intimité de la vie privée de ce dernier. Dès lors qu’il est question de libertés fondamentales du salarié, telles que le secret des correspondances ou la liberté d’expression, cela semble relever de l’intimité de la vie privée.
Cette notion fera très certainement l’objet d’une jurisprudence abondante et d’une appréciation au cas par cas des juges.